
“Nous devons être hyper compétitifs, performants et dynamiques”
Pierre Chevalier, président de Haute-Corrèze Communauté, a participé à la série “Au cœur de la relance” porté par les Intercommunalités de France et avec le concours de Territoires Audacieux.
Pour l’occasion, il détaille la stratégie en place sur le territoire pour préserver et créer de nouveaux emplois. Cela passe par un soutien massif aux entreprises, tant sur le plan financier qu’administratif. Un guichet unique permet d’accompagner les entreprises dans leurs démarches, notamment au niveau des financements. Le territoire met également l’accent sur l’accueil de nouvelles populations, pour faire face à la demande des acteurs implantés sur la communauté de la Haute Corrèze.
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La mise en place du projet
Une entreprise va créer 100 emplois sur votre territoire, pourquoi s’implante-t-elle sur la communauté de la Haute Corrèze ?
Sur le territoire de Haute Corrèze Communauté nous avons 71 communes et 34 000 habitants. Sur les quatre piliers de notre projet de territoire, le pilier de l’économie fait partie intégrante de cette intercommunalité. Nous avons un tissu de PME existantes qu’il faut conforter. Mais il y a également la nécessité d’accueillir de nouvelles entreprises. Après un relationnel de plusieurs mois avec la société Le Tanneur (aujourd’hui reprise par la société Tolomei) qui nous crée 100 emplois sur le territoire. Ils seront répartis sur deux sites : un existant où il y a déjà 450 emplois et bientôt 40 de plus, et un autre site où ils créeront avant la fin d’année 2021, 60 emplois. L’extension de Tolomei se fait avec la création de 100 emplois sur le territoire.
La Haute Corrèze a travaillé en partenariat avec cette entreprise pour favoriser l’implantation. Notamment par l’approche des aspects matériels, par la fourniture d’une structure existante et de l’extension d’une autre. Haute Corrèze Communauté est le facilitateur du développement de l’emploi au travers de cette importante société qui a 15 sites en France.
Vous avez financé l’extension du site et la structure ?
Nous avons facilité l’extension par la mise à disposition de foncier pour les parkings, l’accessibilité, l’immobilier sur le site déjà existant. Pour la partie avec la création de 160 emplois, nous avions un patrimoine immobilier existant adapté. Haute Corrèze Communauté met à disposition ce patrimoine immobilier, dont elle est propriétaire, à Tolomei au travers d’un partenariat locatif. 30 emplois sont déjà en place, ils seront 60 d’ici la fin de l’année. Il est évident que le service économique de Haute Corrèze Communauté est en relation permanente avec l’agence de l’emploi et la sous-préfecture pour faciliter l’arrivée de tous ces emplois. Notamment en facilitant l’hébergement des salariés et l’équipement technique. Nous sommes extrêmement facilitateurs au travers de notre service économique.
Comment faites-vous pour faciliter l’hébergement des salariés ?
Un recensement de tout le locatif vacant dans les communes en périphérie des sites. Une politique de l’amélioration de l’habitat existant. Du locatif occasionnel dans le cadre de formations au travers d’un village de vacances dans des chalets. Tout ça, c’est un relationnel permanent avec l’entreprise qui nous permet d’aboutir à un partenariat gagnant-gagnant.
Le projet de territoire
Quelle est l’importance pour votre communauté de mener une politique d’accueil d’une nouvelle population ?
Il y a des territoires où le développement économique se fait de façon naturelle. Nous, nous devons être hyper compétitifs, performants et dynamiques car notre territoire est rural. Nous avons la chance d’avoir une identité de territoire et une capitale de 10 000 habitants. Dans les communautés de communes qui m’entourent, certaines capitales sont à 1 500 habitants donc c’est un handicap. Je pense que nous sommes en passe de réussir à avoir un territoire actif, vivant, qui est un paradis environnemental. Avant le Covid-19, nous avions déjà des prémices de population urbaine qui voulaient venir travailler dans les territoires ruraux pour la qualité de la vie.
Ce phénomène s’est fortement accentué avec la crise sanitaire. Les transactions commerciales en matière d’habitat augmentent fortement. Par exemple, nous distribuons un magazine tous les trois mois. Nous avons 153 boîtes aux lettres en plus depuis un an. Si on compte que ce sont des familles, c’est peut-être jusqu’à 300 personnes qui sont arrivées. Notre premier pilier c’est l’accueil de population nouvelle et les services à la population. De cela découle la réponse à nos entreprises qui demandent d’avoir plus d’emplois disponibles. Car aujourd’hui, il n’y a pas de chômage. Toutes les entreprises que je côtoie me disent que leur souci c’est de trouver des employés.
Comment allez-vous les aider à trouver des employés ?
Nous avons mis en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Nous avons la nécessité impérieuse d’accueillir des populations nouvelles et des emplois nouveaux. Il faut absolument développer une dynamique d’accueil de population nouvelle. Nous allons donc rencontrer toutes les entreprises du territoire pour qu’elles nous fassent part de leurs prévisions d’emplois, de leurs difficultés pour mettre en place leur politique de gestion prévisionnelle des emplois.
Quels autres leviers avez-vous activés pour conserver 150 emplois mis en danger par une entreprise qui allait fermer ?
Le groupe Alsapan m’a fait part qu’il envisageait de fermer le site car il était vieillissant. L’entreprise perdait 2 millions d’euros par an sur ce site qui avait besoin d’être modernisé. Elle voulait rapatrier la production dans les autres sites industriels qu’elle possède, notamment en Alsace. Et cela au détriment de 150 emplois sur le territoire de la Creuse.
Nous avons établi un relationnel qui a duré plus d’un an. Après une multitude de réunions et d’approches, Haute Corrèze Communauté a été le porteur du projet de l’investissement et de modernisation du site.
Quelle a été la structure financière du projet ?
4 millions d’euros ont été investis pour une extension du site. 2,8 millions du conseil régional, qui a transité par Haute Corrèze Communauté. Un prêt de 700 000 € également réalisé par la communauté. Et le conseil régional a apporté 500 000 € en plus sur l’environnement, car nous sommes sur un site exceptionnel. Partant de là, l’entreprise a cautionné ce business plan. Nous avons donc construit un bâtiment et elle a mis 5 millions d’euros en plus de matériel. Nous avons été le facilitateur et le porteur du projet.
Nous avons sauvé les emplois mais aussi doublé la productivité. Les emplois vont monter à 170 car la productivité augmente. Et je suis encore en négociation avec la PDG pour une extension supplémentaire du site, c’est en gestation. D’un site industriel qui devait disparaître, nous allons en faire une vitrine. Aujourd’hui, le groupe a fusionné et va très bien. Nous avons établi un relationnel de confiance et la compétence économique de Haute Corrèze Communauté a permis de sauver les emplois et d’aller plus loin demain sur le nombre d’emplois du site.
Comment ces projets s’inscrivent dans le plan de relance ?
La coopérative forestière du Limousin a perçu 200 000 €, Le Tanneur a eu 400 000 €, Panneaux de Corrèze a reçu 200 000 €. Compte tenu des chiffres d’affaires ce ces entreprises, ces montants leur permettent de moderniser leur unité de production, la rendre plus performante, ils font ainsi des investissements dans du matériel notamment. Le plan de relance conforte les entreprises, les redynamise et remonte le moral des troupes.
Dans le cadre de la crise sanitaire, nous avons mis en place un dispositif d‘aide à la reprise économique : 800 000 € pour aider toutes les PME. Nous avons un règlement d’intervention des aides communautaires à hauteur de 600 000 € où nous aidons l’implantation d’entreprises nouvelles. Pour vous donner une idée, la société Loste, qui a une quinzaine d’entreprises en France dans le secteur de la charcuterie, vient d’investir 14 millions chez nous et va créer 20 emplois. Nous avons juste apporté 30 000 €, mais nous sommes les facilitateurs de la réalisation des dossiers économiques.
Comment facilitez-vous la réalisation des dossiers économiques pour les entreprises ?
Notre service économique dispose d’un guichet unique. C’est-à-dire que lorsqu’un chef d’entreprise arrive dans notre pôle économique, il a en face de lui des interlocuteurs en guichet unique qui peuvent l’orienter vers les aides auxquelles il peut bénéficier : l’aide européenne dans le cadre du FEDER, les aides communautaires dans le cadre national ou régional, les aides à l’emploi, etc. Nous faisons le dossier pour répondre à sa demande. Évidemment, ils sont très satisfaits car ces démarches facilitent leur travail. De plus, quelques fois, ils passent à côté d’aides communautaires donc avec ce guichet unique, nous leur mettons à disposition toutes ces compétences pour leur faciliter l’accès aux aides.
Les éléments à retenir
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Nous essayons d’être les plus performants possible. Évidemment, les procédures juridiques et administratives sont quelques fois complexes. Nous avons eu une certaine expansion sur notre territoire. Nous devons faire en urgence l’acquisition d’une réserve foncière pour répondre à la demande des entreprises qui veulent s’implanter chez nous. La Haute Corrèze se situe à une heure de Clermont-Ferrand, avec un grand carrefour autoroutier, elle est traversée par l’autoroute A89… Nous sommes dans une phase de développement économique que nous devons accompagner dans les préoccupations que nous avons aujourd’hui.
Où en êtes-vous dans l’élaboration du CRTE ? Quelles sont vos attentes ?
Dans l’état actuel des choses, c’est une priorité du gouvernement au travers des aides qui sont apportées. Il va permettre de donner une image environnementale d’un territoire par le fait que les entreprises et les collectivités vont répondre à cette proposition du gouvernement. La préoccupation environnementale est une question soulevée au quotidien, je pense que c’est dans l’esprit de toutes les entreprises et des collectivités territoriales.
Après, quelle sera la disponibilité des secteurs concernés pour co-financer ? L’État finance et donne une priorité à l’économie d’énergie, à la préoccupation environnementale, mais les collectivités territoriales et les communes auront-elles suffisamment de co-financement ? Les entreprises elles-mêmes auront-elles assez de financement ? C’est ma préoccupation. Je souhaiterais qu’il y ait une transparence et une clarification apportée car je trouve que c’est encore flou. De plus, les délais sont extrêmement contraints. Comme les maires, les entreprises me disent qu’elles n’auront pas le temps de réaliser ce plan de relance dans le cadre de son volet environnemental et d’économie d’énergie.